mardi 27 septembre 2016

Guillard, impact rieur

C'est l'ironie absolue. On ne trouvera pas mieux même en cherchant bien. Le jour où il reçoit le prix Henri-Desgrange, hommage à sa carrière, sa vie et à son œuvre en Ovalie mais pas que, Philippe Guillard apprend qu'il est viré par son employeur. Cette même chaîne cryptée qu'il a contribué à élever et relever par son humour, son sens de la dérision et de l'auto-dérision, celle au sein de laquelle il faisait aimer le rugby comme personne d'autre avant lui. Et sans doute après.
 
Comme le sacre de Clovis, Marignan, Gutenberg, Kennedy à Dallas et la chute du mur de Berlin, Philippe Guillard viré de Canal Plus est une borne dans l'histoire de l'humanité. J'exagère ? Bon alors disons que ça marque la fin du rugby tel que nous le connaiss(i)ons. Le rugby des rires et des larmes, des chansons et des claques, le rugby d'avant quoi. J'ai l'orchestration de Quincy Jones en tête en écrivant cette chronique. Mais la note est salée.
 
Le rugby est désormais un produit, comme l'eau de Javel ou l'huile de ricin, et il faut le vendre à la ménagère. Pour cela, Sébastien Chabal est parfait. De la même façon qu'on se tape, moi le premier, du Boudjellal tous les jours parce que ça alimente le buzz sans lequel il n'y a plus de flux, j'aurais bien continué à reprendre un peu de Guillard une fois par semaine, même une minute, plutôt que d'entendre pendant presque une heure des commentaires lénifiants sur la journée de Top 14 qui vient de se terminer.
 
Philippe Guillard, c'est un titre de champion de France, deux finales, le Showbiz, Eden Park, Petits bruits de couloirs (le meilleur livre sur le rugby, tellement riche que ce n'est plus du rugby d'ailleurs), le petit journal du rugby et le Fils à Jo, magnifiquement naïf à la façon d'un Douanier Rousseau. Un legs massif. Mais il n'y a plus de place pour les poètes, les gentils, les débordants, les chaleureux. Pas même une petite ?
 
Mais si. On gage que La Guille va rebondir. Sur Eurosports, L'Equipe 21, Orange, RMC, Sud-Radio, SFR, BeIn, partout où le rugby relance. Comme impact rieur, joker jovial. Un nouveau livre, un nouveau film, des chroniques, quelque chose, mais pas sortir comme ça, sur arbitrage vidéo. De toute façon, allez, tu le sais bien, Philippe, on en avait parlé, ce Canal n'a désormais plus rien de plus. Tiens, j'ai résilié mon abonnement depuis deux mois. Je regarde le Top 14 au bureau. Ca suffit amplement pour ce que j'ai à en faire, c'est à dire décortiquer des matches qui se ressemblent (presque) tous.
 
Dans ton Petits bruits de couloirs, tu racontes l'histoire d'un ailier qui prend la ballon, enfin, court, fonce, vole, strie le terrain, déborde, et quand on pense qu'il va marquer l'essai que tout le monde attend poursuit sa course, traverse l'en-but où il aurait dû déposer le ballon, et court si vite, si loin, que personne ne l'a jamais revu. Ne pars pas si loin.

13 commentaires:

Gariguette a dit…

Les Guillardises c'était bon comme des friandises . Je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, un temps des cerises prolongé où il faisait bon rigoler sans pincer les lèvres .
Alors on se marrait à gorge déployée sur une grosse astuce dont on rigole encore 20 ans plus tard, ouais un peu concon mais trop d'intelligence parfois ça fatigue surtout quand ça veut péter plus haut que son cul .
N'ayant jamais assisté à la mystérieuse 3e mi-temps, ça me donnait un aperçu - en plus soft je pense- de ce qu'il pouvait s'y passer . Notre envoyé espécial en territoire de l'homme en quelque sorte .
Et puis c'était Canal Pluss, de la bonne époque, tous les animateurs avaient l'oeil qui frisait, les journalistes avaient le verbe alerte . C'était avant Canal Rien .
Rendez nous nos bonbons : rendez nous nos guillardises .

richard escot a dit…

Et vouis Sylvie, tu as bien vu, bien lu, bien entendu. J'aime "Notre envoyé spécial en terrrrritoire de l'homme". Faut rouler les airs. Tout a fait ça. Normalement, il devrait y avoir demain dans le quotidien du sport un entretien du bonhomme, ailier gauche, ça lui va bien ce côté maladroit.
Bon on ne va pas taper sur les cryptés. pas trop. Ils commencent depuis deux ans à tout perdre. Ca va finir en moins.
Quant aux guillardises (là aussi bien trouvé), je m'imagine mal une chaîne (radio, télé) passer à côté de ces bonbons acidulés.

benoit a dit…

Bah c'est juste que ce jeu est devenu un sport...Un sport aussi peu fair play que les autres. Les stars de nos jours, ce sont sont qui mettent la main à la poche: les arbitres au premier plan et puis nos chars mécènes sans lesquels tout ce cirque de muscles et d'hommes bioniques n'existeraient pas...Je vais tenir encore une saison ou deux, jusqu'à la retraite de Fred Michalak, Privat, Titi et quelques uns. Après, rideau...De toute façon, ça fait déjà belle lurette que les plus beaux matchs sont ceux que je revois sur You tube...Ces concours de narcissisme coinché et la chronique quasi quotidienne des transferts pour dans trois ans...bon, bé, voilà...

benoit a dit…

Et puis ces ballets d'experts...L'expertise, la maladie de notre époque...Expertise aussi fiable du reste que celle qui sévit dans le domaine économique...moi qui pensait, assez sottement, que ce jeu savait aussi faire la part belle aux décalages. Philosophie ultra libérale ( où elle est la soit disant prime au risque, à l'audace avec la part d'erreurs que tout ceci induit...alors que tous ces beaux messieurs n'ont que " faute professionnelle" à la bouche? Pfiou...Oui, sinon, Mr Guillard saura rebondir, j'en suis certain. Il fourmille d'idées et de projets. Souhaitons lui bon vent, tout le meilleur en tout cas!!

Gariguette a dit…

Oh dis donc Benoit, tes "lubies", quel régal ! Tu as raison de lui souhaiter bon vent à PG, bon vent marin hein ? Bon vent marrant ...
PS : super photos en plus, ah y'a du jarret dans la famille Jeantet ;-)

benoit a dit…

Merci Sylvie...(En fait, je l'avoue, en plus de retrouver un endroit à moi, une cabane au fond du jardin, ce qui est plutôt paradoxal pour un type qui n'aime pas beaucoup ça, la campagne, Lubies c'était, avant tout, pour construire un truc autour de ses photos ( lui du jarret, ah ça oui, grand ailier plein de race comme on aime)...Voilà. Amitiés bien vives.

richard escot a dit…

En fait, Benoit, c'est le Thoreau de la littérature.

Unknown a dit…

Un Thoreau ailier.

Gariguette a dit…

Pas étonnant alors qu'il fasse souvent le Boeuf sur le toit ...

richard escot a dit…

Ce qui est formidable avec les ami(e)s qui ont l'humeur à l'humour c'est qu'ils savent s'engager dans les intervalles.

Gariguette a dit…

Dans la famille Douglas donnez-moi le père
http://www.premiere.fr/People/News-People/Lettre-puissante-de-Kirk-Douglas-contre-Donald-Trump...

André Boeuf a dit…

Parti quelques jours à Montbrun-les-Bains.
En ai profité pour suivre quelques soins, grimper le Ventoux comme le veut ma tradition et finir -entre autres- "Mon sac de rugby" de Jacky Adole. Beaucoup aimé. Et l'histoire, et les réflexions, et le style.
Je retrouve donc mon ordinateur et cet article à propos de Philippe Guillard. Au fond, et d'une certaine façon, dans le droit fil du monde et du rugby actuel, je suppose...
Mais, que lui reproche-t-on, en fait? Puisqu'il était bon et que la logique économique était respectée, pourquoi l'éliminer? J'ai vu, un soir, sur "L'Equipe 21", que l'animateur, Jean-Christophe Drouet, mettait des gages lorsqu'un nom un peu hors du commun était employé, et qu'il parlait, pour résumer l'activité sportive -hors le foot, dit sport majeur- des sports mineurs.
J'imagine que les reproches que l'on peut lui faire penchent de ce côté là...!
AB

richard escot a dit…

Ravi, André, que "Mon sac de rugby" soit un compagnon apprécié. Si tu as l'occasion, je te conseille "Déjà". Une sorte de suite, ou plutôt de monde parallèle, un grand frère de "Mon sac". Avec un style encore plus fluide. Mon préféré. Avec de très grandes descriptions de matches de rugby et de balades en Périgord. Un ouvrage qui recèle un secret. A partager lors du prochain Crazy Ruck, à condition que tu trouves le temps de lire "Déjà..."
Cdlt